Histoire

Histoire de la crĂ©ation de l’A.F.O.R. aujourd’hui A.F.A.O.R

Voici l’histoire de la crĂ©ation de cette association Ă  partir du portrait des fondatrices de l’Association Française Orphelins de Roumanie (A.F.O.R.).

 

Prémices : une quête personnelle

LG-AFOR
Laura Giraud, co-fondatrice de l’A.F.O.R. :

Je suis née en 1986 à Bucarest, et j’ai été adoptée par un couple de français.

Depuis 2006, j’adopte une dĂ©marche de dĂ©couverte de mes origines roumaines que ce soit Ă  partir de voyages dans le cadre d’un jumelage franco-roumain ou au cours de mes Ă©tudes en crĂ©ation en École SupĂ©rieure d’Art de Grenoble se concluant sur un dĂ©placement de 5 mois Ă  Bucarest, me permettant – entre autres – de crĂ©er un support de dialogue avec mes parents adoptifs. Dans mon travail, je me concentre sur mon rapport Ă  la “mĂ©moire”, notamment Ă  l’échelle de l’objet d’art avec une approche de la conservation-restauration centrĂ©e sur la parole autour de la question du tĂ©moignage, de l’archive sonore et du document. 1

En 2013 j’entame des recherches pour ma mère biologique et constate la difficultĂ© de trouver des informations et l’insuffisance de lieu d’expression et d’écoute spĂ©cifique. C’est en parcourant la toile que je rencontre Nadine.

 

Création de « Les Enfants Adoptés de Roumanie »

En 2014, constatant l’absence d’espaces publics permettant l’expression anonyme d’adoptĂ©s roumains, je crĂ©e avec Nadine Delpech2 (familière des questions de l’adoption 3) « Les enfants adoptĂ©s de Roumanie »4, des espaces – blog, site internet, rĂ©seaux sociaux – adressĂ©s aux adoptĂ©s d’origine roumaine.  En 2015, je me prĂ©sente et suis Ă©lue au conseil d’administration du Conseil National des AdoptĂ©s (C.N.A.).

La visibilité de « Les Enfants Adoptés De Roumanie » sur Internet a permis de créer une base conséquente d’informations ainsi qu’un réseau. Lors de la réalisation du site nous avons intégré un forum préexistant qui a ensuite été enrichi. Ce dernier contient principalement des demandes de recherche de mère, famille et fratrie d’origine. L’organisation visuelle du forum manquant de clarté, nous avons créé une liste participative en ligne permettant aux adoptés qui le souhaitent de référencer librement leurs projets de recherche.

Grâce à l’implication de Nadine D. et à ses déplacements à l’étranger, des adoptés ont également pu retrouver leurs parents biologiques, dont certains issus de la communauté rom. A ce jour, le blog a été consulté plus de 16400 fois5 et nous avons été contacté par une centaine de personnes : personnes nées en Roumanie adoptées par des couples étrangers, et aussi par des familles biologiques. En effet, la bonne visibilité de ces plateformes sur le web a également permis à un lectorat roumain, dont des familles biologiques, de se manifester.

En mars 2015, je rencontre Marion Le Roy Dagen et collaborons dans la création de projets destinés aux adoptés de Roumanie.

 

Rencontre et origines de l’Association Française Orphelins de Roumanie

mlrd-AFORMarion Le Roy Dagen, co-fondatrice de l’A.F.O.R. :

Je suis nĂ©e, voici 39 ans, Ă  AIUD en Transylvanie.  J’ai Ă©tĂ© placĂ©e en institution quelques semaines après ma naissance puis adoptĂ©e fin 1982, Ă  l’âge de 6 ans, par une famille française. Ma quĂŞte d’identitĂ© a commencĂ© Ă  13 ans Ă  la chute de Ceaucescu en 1989.

Cadre socio-Ă©ducatif, je suis sensibilisĂ©e de par ma formation Ă  l’accompagnement des personnes en difficultĂ©s sociales et familiales (enfants, adolescents, adultes) pour les aider Ă  devenir autonomes et mieux s’insĂ©rer dans la sociĂ©tĂ©. Or, malgrĂ© la multiplication des institutions dĂ©volues Ă  la famille et Ă  l’enfance, aujourd’hui les jeunes adultes issus de l’adoption se sentent relativement seuls lorsqu’ils entament des recherches sur leurs familles biologiques, alors que ce projet est souvent source de mal-ĂŞtre voire mĂŞme de tensions au sein des cellules familiales adoptives, car elles gĂ©nĂ©rèrent peur et culpabilitĂ©.

En 2014, j’ai étĂ© au cĹ“ur d’un film documentaire « L’Enfant du Diable » produit par Kanari films et TLT, rĂ©alisĂ© par Ursulla Wernly Fergui (52min). AccompagnĂ©e par la photographe Elisabeth Blanchet qui se consacre depuis 20 ans aux orphelins de Ceaucescu, le spectateur nous suit dans nos rencontres telles que : celle avec mes parents biologiques ou encore avec d’anciens pensionnaires de l’orphelinat de Poprican, ceux qui se sont construit tout seuls, ceux qui n’ont pas eu la chance d’ĂŞtre adoptĂ©s. Plus qu’un tĂ©moignage, ce documentaire a Ă©tĂ© un dĂ©clic pour que je m’intĂ©resse Ă  l’adoption, aux adoptĂ©s et Ă  de nombreuses histoires nationales (nĂ©s sous « X ») et internationales. Cela m’a permis de rencontrer Laura, et d’ouvrir les yeux sur la complexitĂ© de l’adoption aussi bien pour l’adoptĂ©, la famille adoptante et la famille biologique que l’on oublie gĂ©nĂ©ralement.

Nous constatons qu’il existe beaucoup d’associations de parents adoptifs ou de futurs parents et très peu d’association d’adoptĂ©s.

Les adoptĂ©s : ils sont des milliers comme moi, en France, Ă  rechercher depuis des annĂ©es leur famille d’origine, des fratries sĂ©parĂ©es qui tentent de se retrouver Ă  l’âge adulte, des enfants de l’Assistance Publique nĂ©s sous « X ». Très souvent malheureusement, ces recherches n’aboutissent pas car les obstacles sont nombreux sur le chemin de la quĂŞte des origines. Cette quĂŞte d’identitĂ© est une dĂ©marche pour devenir acteur de sa vie. C’est aussi une quĂŞte d’apaisement, de rĂ©conciliation avec sa propre histoire. Beaucoup de personnes ne savent pas ce qu’est la quĂŞte de ses origines. Ce n’est pas un rejet de sa famille adoptive, ce n’est pas une « biologisassion » de sa filiation ni une fascination pour les liens biologiques, mais c’est la recherche de l’histoire de la personne. Quand on parle de l’identitĂ© on parle de l’identitĂ© narrative c’est-Ă -dire rĂ©pondre Ă  la question « d’oĂą je viens, quelle est mon histoire ? ».

En tant que personne adoptĂ©e, j’estime avoir « bouclĂ© la boucle » concernant la quĂŞte de mes origines, mais aujourd’hui je souhaite accompagner, au cas par cas, chaque adoptĂ© qui dĂ©sire entreprendre cette dĂ©marche. A travers diverses rencontres et tĂ©moignages, je constate que beaucoup d’adoptĂ©s vivent dans un isolement social, un repli sur soi qui les rendent très vulnĂ©rables, voire parfois agressifs et violents. Aujourd’hui plus de 80 personnes, activement Ă  la recherche de rĂ©ponses sur leur filiation, nous ont sollicitĂ©s. Nombreux d’entre-eux sont Ă  la recherche d’écoute, de dialogue, de rĂ©confort afin d’ĂŞtre rassurĂ© sur cette dĂ©marche. Par exemple on peut trouver des interrogations identitaires « Suis-je normal de me poser ces questions ? A qui je ressemble ? Qui suis-je ? » ou encore de la souffrance  » Je ne veux pas faire de la peine Ă  mes parents adoptifs ».

Je constate qu’il existe très peu de services effectuant un travail de suivi ou d’aide – que ce soit en amont ou en aval – pour l’Ă©laboration de ce projet très particulier qu’est la recherche des origines des personnes adoptĂ©es. Selon moi, la personne adoptĂ©e, ainsi que sa famille adoptive et sa famille biologique doivent ĂŞtre prĂ©parĂ©es. Si les Ă©tudes expliquent que globalement les personnes adoptĂ©es se sentent Ă©panouies après cette recherche, beaucoup sont cependant très déçues après avoir retrouvĂ© leur famille biologique. Si la prĂ©paration semble nĂ©cessaire, l’est-on vraiment assez ? Selon moi, non : on ne peut pas ĂŞtre prĂ©parĂ© Ă  vivre ça… d’oĂą l’importance d’un accompagnement avant, pendant et après cette recherche.

 

CrĂ©ation de l’Association Française Orphelins de Roumanie (A.F.O.R.) aujourd’hui AFAOR

Le grand nombre de sollicitations représente aujourd’hui un problème, tout simplement car en tant que collectif « Les enfants adoptés de Roumanie » n’est pas en mesure de répondre à toutes les demandes. S’il y a des manques de moyens humains et financiers évidents, nous identifions notre principal manque au niveau des compétences. La création de cette association va nous permettre de continuer nos efforts en créant des partenariats avec des associations (françaises et roumaines) et des professionnels.

Aujourd’hui, le dĂ©fi de l’A.F.A.O.R va ĂŞtre de rendre la personne adoptĂ©es et les familles actrices de leur projet, tout en dĂ©veloppant leur estime et leur potentiel pour que cette quĂŞte de rĂ©ponses, des origines, et d’identitĂ© se passe le mieux possible.

 

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1 – MĂ©moire de fin d’études pour le DiplĂ´me National d’Expression Plastique : Conservation-restauration des publications sonores. Lèpre Électrique et LĂ©prothèque de Jean-Pierre Bobillot, K7, Tipp-Ex et PoĂ©sie… – Avignon: EsaA, 2014.

2 – Nasser C., crĂ©ateur et webmaster du site « La nouvelle Roumanie » accueillait alors un forum rĂ©fĂ©rençant de nombreux messages de demandes d’aide Ă  la recherche de parents biologiques ou de connaissances en Roumanie : http://www.nouvelleroumanie.com

3 – Nadine Delpech a participĂ© notamment au documentaire « Dans les brumes de Majuli » d’Emmanuelle Petit et Nadine Delpech (France, 2008, 52 mn) qui traite de l’adoption de jeunes garçons par de jeunes moines.

4 – Anciennement « Les adoptĂ©s de Roumanie ». En Ă©tĂ© 2014 ce projet a fusionnĂ© avec le groupe ouvert par Lydia Heurtier (adoptĂ©e en Roumanie) sur le rĂ©seau social Facebook nommĂ© « Les enfants de Roumanie » ; groupe qui avait les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes commencĂ© Ă  fĂ©dĂ©rer un rĂ©seau d’adoptĂ©s de Roumanie.

5 – 13489 pages ont Ă©tĂ© vues et le forum compte plus de 160 messages [07 mars 2016].

 

A lire :

Site personnel de Laura Giraud : laplanchecontact.weebly.com

Article publié par Elisabeth Blanchet « 26 après Ceausescu, une association pour aider les adoptés » sur son blog The Accidental Photographer.