“Je comprends ceux qui veulent retrouver leurs racines …..” Témoignage de Céline adoptée à 3 ans

J’ai décidé de faire partager mon histoire, cela peut être thérapeutique à la fois et je me sens prête à expliquer un bout de ma vie. Cela m’a demandé un temps de réflexion avant de me lancer dans ce témoignage car il y a peu de temps de cela encore il m’était très difficile de gérer mes émotions. Afin d’avoir un peu de recul pour mettre sur papier mon histoire j’ai donc pris le temps de réfléchir à la manière dont j’allais écrire ces quelques lignes.

Tout à commencé à l âge de 3 ans lorsque je suis arrivée en Belgique. J’ai rejoint une maman célibataire vivant avec son fils qui avait l’âge de 18 ans lorsque je suis arrivée.

J’ai donc grandi seule avec ma mère. Elle m’a toujours expliqué d’où je venais , quelle était mon histoire. Elle prenait soin de m’expliquer les choses en fonction de l’âge que j’avais. Selon ma maturité acquise, elle allait de plus en plus en détails qui malheureusement n’étaient pas évident à entendre pour un jeune enfant. Effectivement lorsqu’elle me parlait de « mes » parents biologiques je ressentais énormément d’émotions mais je n’étais incapable de mettre des mots sur ce que je ressentais. Je n’étais pas une enfant qui parlait aisément de mon histoire et faisait en sorte d’éviter le sujet. Je me sentais si différente des autres membres de la famille ainsi que de mon entourage. Ce sentiment je l’ai compris en lisant le livre « Au risque de l’adoption » de Cécile Delannoy, un livre excessivement bien écrit qui aide énormément à comprendre que ce qu’un enfant peut ressentir et qui veut retrouver ses origines mais aussi un enfant qui ne veut pas les retrouver.

Je me suis directement identifiée à l’enfant qui voulait donc retrouver ses origines. Au plus ma mère m’expliquait mon histoire au plus j’étais décidée à retrouver mes origines. J’ai pris cette décision lorsque j’avais 6/7 ans quand j’ai appris que j’avais 2 frères biologiques ainsi qu’une sœur. Cette dernière a été adoptée dans un autre pays d’Europe. Je me souviens de l’endroit exacte où je me trouvais et je me suis dit : je la retrouverai un jour.

Les années ont passé jusqu’au jour où j’ai commencé les recherches. Elles ont débuté en octobre 2011 et se sont achevées en février 2016. Il y a eu des pauses dans ces 5 années , avec des moments d’hésitation, des moments d’attentes, et puis pour finir la réponse finale qui a été le plus gros choc de ma vie.

Je me suis toujours dit qu’ils étaient peut être morts étant donné la pauvreté du pays à l époque et qu’il était très difficile de survivre. Afin de n’avoir aucune attente, je ne me suis jamais dis un seul instant que j’allais les retrouver et et encore moins d’avoir des contacts avec eux! C’était donc le 16 février 2016 à 15:20 … j’ouvre ma boite e-mail, chose je fais régulièrement, mais à c moment là j’étais très loin de me douter de ce que j’allais lire quelques minutes plus tard! Qui plus est, je n étais pas du tout dans un endroit approprié pour lire ce genre de nouvelle qui chamboule totalement une vie en 3 secondes de temps. J’étais sur mon lieu de travail, entourée d’enfants (je suis puéricultrice) et commence à lire la fameuse réponse que j’attendais depuis 5 années. Jamais un seul instant je me suis imaginée à lire la réponse par e-mail mais plutôt par un courrier postal et me trouvant à la maison.

D’après ma collègue mon visage s’est littéralement décomposé et suis devenue blanche comme un linge. Bien évidemment elle n’était pas au courant de mes recherches. Je n’avais prévenu personne exceptée ma meilleure amie que je connais depuis l’âge de 8 ans.

Le choc a été tellement violent que j’ai expliqué en quelques lignes à ma collègue ce que je venais d’apprendre. L’e-mail disait qu’ils avaient retrouvé le père biologique qui était d’accord d’avoir des contacts avec moi et me donnait son numéro de téléphone. Concernant la mère biologique ils n’avaient pas réussi à la localiser et ont donc conclu qu’elle ne vivait plus en Roumanie.

Première déception… je ne comprenais pas pourquoi j’avais cette déception mais je me souviens très exactement de ce sentiment. À partir de cet e-mail les événements se sont enchaînés sans que je puisse avoir le contrôle de mes émotions, de ma vie… tout a basculé !

On m’a très vite conseillé d’aller voir une thérapeute pour m’accompagner dans ces événements qui filaient à tout allure. Au début j’ai dit non car j’estimais que j’allais bien. Avec le recul je me dis que j étais un peu bête de croire que j’allais bien vu les chocs émotionnels que je subissais chaque jour.

Trois jours après l’e-mail me disant qu’ils avaient retrouvé le père biologique, j’ai eu mon premier contact téléphonique avec lui. La dame de l’association roumaine nous a aidé pour communiquer, elle faisait le rôle d’interprète. J’avais réalisé une liste de questions à propos de mon histoire et j’ai pu les lui posées. Certaines réponses étaient claires et d’autres restaient très floues!

Quatre jours après cet appel, il est arrivé en Belgique sans même recevoir mon autorisation.

Une peur immense m’a envahie de tout mon corps. Ma mère n’était pas encore au courant que je les avait retrouvé et que j’avais commencé les contacts. J’ai donc averti ma mère de la venue du père biologique en Belgique. Évidemment la nouvelle a été fulgurante pour elle aussi. Elle m’a mise en garde de ce que le père biologique pourrait me demander ou faire…. Chose qui s’est produite, j’ai pu appliquer les conseils de ma mère judicieusement. Étant de nature très méfiante face aux nouvelles choses, cela m’a permise de bien garder les pieds sur terre et pouvoir agir en conséquence sans me mettre en danger.

Quelques semaines après, les contacts avec la mère biologique ont commencé. Via le père biologique j’ai eu des contacts avec l’un des frères, qui eux n’ont pas été adoptés, ce frère m’a mis en contact avec elle.

En avril 2016, elle venue en Belgique, avec mon autorisation, pour me voir. Le choc émotionnel a été encore plus important que celui du père. De nouveau j’ai posé toutes les questions que j’avais besoin. Encore une fois certaines réponses étaient claires et d’autres restaient floues. Je n’étais pas satisfaite des réponses reçues et à la fois je venais d’apprendre des choses durs à entendre. Je restais complètement stoïque face aux réactions & émotions de ma mère biologique! Je ne voulais aucunement montrer ce que je ressentais.

J’avais commencé finalement une thérapie afin d’essayer de gérer au mieux la situation. Encore une fois j’en parlais à personne et n’avais pas tenu au courant ma mère adoptive. Je ressentais beaucoup de culpabilité vis à vis d’elle pour pouvoir lui en parler.Pendant 7 mois, je gardais tout pour moi et vivais les retrouvailles avec la famille biologique « seule ». Durant ces 7 mois, j ai été sur le lieu où tout a commencé… c’est à dire à Bucarest. Ma meilleure amie m’a accompagné dans cette épreuve très importante pour moi. Ce week-end là a été un vrai « ascenseur émotionnel ». J’ai gardé la tête froide malgré tout ce que je ressentais ! J’ai rencontré mon petit frère biologique, sa femme et leur enfant, deux cousines biologiques ainsi qu’une tante dont j’étais très proche lorsque je vivais avec eux à l’époque. J’ai revu ma mère biologique pour la seconde fois de ma vie…

En parallèle de tous ces événements avec ma famille biologique, les recherches pour la sœur biologique avaient démarré également. Je l’ai finalement retrouvée après un archenement de questions, de patience avec la mère biologique (qui refusait de répondre aux question que je posais concernant ma soeur biologique) et l’aide des associations.

J’ai pu la voir le 4 janvier 2017… autre choc émotionnel pour moi mais évidemment pour elle aussi!! J’ai commencé à parler de tous ces événements à ma mère parce que cela était devenu beaucoup trop difficile à gérer . J’ai donc enfin pu briser le mur que je m’étais construit depuis mon adoption en lui parlant, en me confiant à elle. Elle a été présente lors des moments extrêmement difficiles. Les contacts avec ma soeur biologique ont été excessivement difficiles. On s’est vues 3 fois sous sa demande en l’espace de 6 mois de temps.

Finalement elle a décidé de stopper les contacts du jour au lendemain parce qu’elle n’arrivait pas à accepter mes contacts avec la reste de la famille biologique. Il faut savoir que n’avions des contacts tous le jours durant 8 mois, toujours sous sa volonté et donc cela a été difficile lorsqu’ elle a voulu un break.

A présent j’ai contacts réguliers avec mes deux frères biologiques. Nous nous envoyons un message pour savoir comment l’un se porte. Avec ma mère biologique cela est plus compliqué mais j’ai toujours des contacts avec elle. Dans ce genres d’expériences il est très important de se faire suivre et d’avoir un entourage présent. Ce type de démarches peuvent très bien se passer mais peuvent aussi être très difficiles à gérer.

Effectivement on se sent vivre, on se sent vibrer comme jamais et tout est vécu avec nos tripes. Beaucoup de choses enfuies peuvent refaire surface sans qu’on ne s’en rende compte.

Je comprends ceux qui veulent retrouver leurs racines car malgré tout ça aide à savoir qui on est, d’où on vient mais je ne crois pas qu’on soit réellement prêt à cela. Il est important de pouvoir préparer le plus possible les recherches avec des associations, des membres de la famille et des amis, de pouvoir être accompagné (si possible) lors de la première & deuxième rencontre.

Les cultures sont très différentes même si la Roumanie a très fortement évolué depuis ces dernières années, il y a encore des failles auxquelles nous pouvons être confrontés. Il y a énormément de choses qui se sont passées durant 18 mois, je ne peux tout expliquer dans ce témoignage. La prochaine étape serait peut être d’écrire un livre …

Pour conclure ce témoignage, je dirais « le coeur sait et la tête pense », parfois il est plus judicieux de laisser la tête penser, de réfléchir afin de pouvoir se protéger un maximum.