Je m’appelle Anna, je suis née en 1993 à Deva (région d’Hunedoara) en Roumanie, 4 ans après la chute de la dictature. J’ai 26 ans et vis en Bretagne
Mes parents habitent en Bretagne et m’ont adopté à l’âge de 2 ans et 10 mois. Ils ont deux enfants biologiques plus âgés que moi. Peu de temps après ma naissance, j’ai été placée à l’orphelinat dans lequel j’y suis restée presque 3 ans. Pendant ce temps là, mes parents étaient positionnés sur d’autres dossiers et en attente « d’apparentement » (L’apparentement est la proposition d’établir une relation adoptive entre un enfant et une famille donnés. Ce n’est pas la décision d’adoption, acte à portée juridique. L’apparentement se concrétise par l’identification d’une future famille adoptive pour un enfant). Mais les dossiers n’ont finalement pas aboutis et c’est ainsi que mon dossier leur a été proposé par une avocate (avec qui je suis toujours en contact) et que mes parents ont accepté. Il leur a fallu attendre plusieurs mois avant que le dossier soit accepté et que je sois donc adoptée définitivement.

@Anna vue sur le Danube,à la frontière serbe.
Durant ces mois d’attentes, mes parents sont venus me voir plusieurs fois avant que je quitte définitivement l’orphelinat fin 1995. Mon père est venu me chercher à l’orphelinat puis nous sommes arrivés en France par avion quelques jours avant Noël. Ma mère m’attendait avec impatience à l’aéroport.
Quand je suis arrivée en France, je pesais seulement 9 kg (j’avais à peine 3 ans). Au niveau alimentation, c’était assez compliqué au départ. Concernant l’apprentissage de la langue, j’ai appris le français rapidement. Mes parents m’ont raconté que je criais dès que je voyais une mouche ou un escargot. J’avais peur de tout pratiquement ! Sur le plan scolaire, l’intégration s’est faite facilement et assez rapidement en maternelle et au primaire. J’ai été très dorlotée par les ATSEM lors de mon arrivée ! D’ailleurs, j’en croise encore certaines et j’aime bien prendre le temps de discuter avec elles.
J’ai commencé à me poser des questions sur mes origines et à me dire que j’aimerai retrouver un jour ma famille biologique à partir du collège en 3eme. Mais c’était très flou dans ma tête. Un manque de conscience réelle je pense, surtout lorsqu’on est qu’en 3eme car on ne connaît pas tout de la vie à cet âge-là.De plus, je n’ai jamais souhaité regarder mon album photos de mon départ de l’orphelinat et de mon arrivée en France. Pour moi, il me manquait (il me manque et me manquera toujours) les 3 premières années de ma vie, et regarder mes photos, je n’en voyais pas l’intérêt et c’est à ce moment que je me suis dit qu’il me manquait plusieurs pièces du puzzle. Je me demandais pourquoi je n’avais aucune photo de ma naissance alors que mes parents, mes frères ou mes copines à l’école en avaient.
Depuis mon arrivée dans ma famille et pendant ma quête, j’ai toujours été soutenue. Mes parents ne m’ont rien caché sur mon adoption, ni sur les éléments de mon dossier, notamment le nom, prénom et âge de ma mère biologique. Jusqu’à un certain âge, ils ont gardé précieusement mon dossier avec bien évidemment un accès à celui-ci quand je le souhaitais (je vivais toujours à la maison à l’époque). Ensuite, je leur ai demandé de le récupérer, et ils ont bien évidemment acceptés ! A mes 21 ans (en 2014), j’ai pris la décision d’entreprendre mes recherches. J’en ai parlé à mes parents mais je leur ai dit que je souhaitais faire ces recherches de mon côté, toute seule, sans leur aide. Ils ont accepté et m’ont toujours soutenu « de loin » dans mes démarches, c’était mon souhait.
Je suis allée sur les sites internet des tribunaux, des services sociaux de ma ville natale et de la ville de l’orphelinat où j’ai grandi.
Je ne comprenais pas tout forcément à cause de la langue mais j’ai réussi à récupérer les informations principales, notamment les adresses ainsi que le nom et statut professionnels des personnes à contacter (il ne faut pas contacter n’importe qui !).

@Anna Sculpture de roche de Decebalus dans le parc naturel de Portes de fer, Roumanie
Au début de mes recherches en 2014, j’ai eu des réponses négatives. Deux ans après, j’ai reçu un e-mail m’indiquant que les services sociaux avaient retrouvé ma mère biologique et avaient pu la contacter car elle avait laissé deux numéros de téléphone. J’ai également appris l’existence d’un frère biologique qui a 7 ans de plus que moi, il sait également que j’existe. Ayant des contacts sur place, notamment Andrei, une personne que je connais très bien depuis mon premier voyage en Roumanie en 2005, je lui ai envoyé cet email. Nous avons beaucoup discuté et c’est ainsi qu’il a contacté ma mère. Durant une année, Andrei me faisait part des échanges téléphoniques et des rencontres qu’il avait eu avec ma mère biologique. C’est en décembre 2017 (j’avais 24 ans) que je suis partie retrouver ma famille biologique. Je suis restée 15 jours sur place. J’ai rencontré d’abord ma mère biologique. Nous avons passé une demi-journée ensemble, en compagnie d’Andrei (notamment pour la traduction). La rencontre n’a pas été explosive des deux côtés et elle n’a pas souhaité me revoir lors de notre deuxième rencontre qui était programmée quelques jours après. Cependant, elle m’a informé de l’existence de ma grand-mère avec quelques indices sur son lieu d’habitation (sans certitudes et sans réelle vérité). Sur place j’étais accompagnée d’Andrei, et nous avons fait du porte à porte chez les voisins dans le secteur où habitait ma grand-mère. Puis après plusieurs échecs, nous sommes tombés sur une personne qui connaissait très bien ma grand-mère et elle nous a emmené jusqu’à chez elle ! J’ai pu faire sa connaissance!
Elle n’en croyait pas ses yeux 
moi non plus! Deux jours plus tard, j’ai rencontré mon frère biologique car à l’époque il habitait près de chez notre grand-mère.
C’est un vrai travail de fourmis et je ne pensais pas en arriver jusque là.
Après mes retrouvailles, j’ai fait le choix de couper le lien avec ma mère et mon frère biologique pour raisons personnelles. Ma mère biologique a également coupé les liens avec toute sa famille depuis plusieurs années.
Néanmoins, j’ai décidé de rester en contact avec ma grand-mère biologique qui me semble stable, accueillante et qui m’accepte. D’ailleurs, c’est elle que je dois remercier en premier ! Car c’est elle qui a signé l’acte d’abandon pour que je sois adoptable. Sinon je ne serai pas là où j’en suis en ce moment. Je l’ai vue en Janvier 2018 (pour la toute 1ère fois) et l’été dernier. Je souhaite la revoir une à deux fois par an. Car elle a certains éléments de réponses sur mon histoire et l’histoire de la Roumanie à l’époque du régime de dictature de Ceausescu. Il est important de remettre tout ça dans le contexte économique et politique de l’époque. À l’heure actuelle, je ne regrette rien de toutes les démarches entreprises et de mes retrouvailles. Ce sont des choses très fortes et très personnelles. Chacun réagit différemment. Je tiens à conseiller qu’il faut faire ces démarches si on en ressent vraiment le besoin et le faire à son rythme. De mon côté, j’avais 21 ans quand j’ai entamé mes recherches et j’allais sur mes 25 ans lorsque j’ai rencontré ma famille biologique. Durant plusieurs années, j’étais dans le déni total. Et j’ai eu un déclic, pourquoi ? comment ? ça ne s’explique pas !

@Anna la citadelle d’Alba Iulia
Mon souhait était tout d’abord de mettre un visage, un comportement sur certains membres de ma famille (car je savais que ça allait être dur de retrouver toute ma famille biologique). Puis dans un second temps, que l’on puisse me raconter l’histoire du pays, mon histoire dans toute sa globalité tout simplement ! Bien évidemment, comme on dit « la vie n’est pas un long fleuve tranquille », nous n’avons pas tout ce que l’on souhaite surtout dans ce genre de situation. Malheureusement, mon père biologique est décédé, j’aurai bien évidemment voulu le connaître, le rencontrer et discuter également avec lui.
Je souhaite partager mon histoire, mon expérience aux personnes qui le souhaite. Je suis ouverte à tout échanges par e-mail dans un premier temps.
Je fais également partie d’une association EFA (Enfance et Familles d’Adoption) qui me permet d’être en contacts avec des parents postulants à l’adoption et leur faire part de mon parcours. C’est toujours enrichissant, aussi bien pour eux que pour moi. Mais je souhaite également rencontrer des personnes adoptées de Roumanie comme moi ou d’autres pays ! D’où ma prise de contact avec l’AFOR.
L’équipe de l’AFOR