Je m’appelle Anna, je suis nĂ©e en 1993 Ă Deva (rĂ©gion d’Hunedoara) en Roumanie, 4 ans après la chute de la dictature. J’ai 26 ans et vis en Bretagne
Mes parents habitent en Bretagne et m’ont adopté à l’âge de 2 ans et 10 mois. Ils ont deux enfants biologiques plus âgés que moi. Peu de temps après ma naissance, j’ai été placée à l’orphelinat dans lequel j’y suis restée presque 3 ans. Pendant ce temps là , mes parents étaient positionnés sur d’autres dossiers et en attente « d’apparentement » (L’apparentement est la proposition d’établir une relation adoptive entre un enfant et une famille donnés. Ce n’est pas la décision d’adoption, acte à portée juridique. L’apparentement se concrétise par l’identification d’une future famille adoptive pour un enfant). Mais les dossiers n’ont finalement pas aboutis et c’est ainsi que mon dossier leur a été proposé par une avocate (avec qui je suis toujours en contact) et que mes parents ont accepté. Il leur a fallu attendre plusieurs mois avant que le dossier soit accepté et que je sois donc adoptée définitivement.
Quand je suis arrivĂ©e en France, je pesais seulement 9 kg (j’avais Ă peine 3 ans). Au niveau alimentation, c’Ă©tait assez compliquĂ© au dĂ©part. Concernant l’apprentissage de la langue, j’ai appris le français rapidement. Mes parents m’ont racontĂ© que je criais dès que je voyais une mouche ou un escargot. J’avais peur de tout pratiquement ! Sur le plan scolaire, l’intĂ©gration s’est faite facilement et assez rapidement en maternelle et au primaire. J’ai Ă©tĂ© très dorlotĂ©e par les ATSEM lors de mon arrivĂ©e ! D’ailleurs, j’en croise encore certaines et j’aime bien prendre le temps de discuter avec elles.
J’ai commencĂ© Ă me poser des questions sur mes origines et Ă me dire que j’aimerai retrouver un jour ma famille biologique Ă partir du collège en 3eme. Mais c’Ă©tait très flou dans ma tĂŞte. Un manque de conscience rĂ©elle je pense, surtout lorsqu’on est qu’en 3eme car on ne connaĂ®t pas tout de la vie Ă cet âge-lĂ .De plus, je n’ai jamais souhaitĂ© regarder mon album photos de mon dĂ©part de l’orphelinat et de mon arrivĂ©e en France. Pour moi, il me manquait (il me manque et me manquera toujours) les 3 premières annĂ©es de ma vie, et regarder mes photos, je n’en voyais pas l’intĂ©rĂŞt et c’est Ă ce moment que je me suis dit qu’il me manquait plusieurs pièces du puzzle. Je me demandais pourquoi je n’avais aucune photo de ma naissance alors que mes parents, mes frères ou mes copines Ă l’Ă©cole en avaient.
Depuis mon arrivĂ©e dans ma famille et pendant ma quĂŞte, j’ai toujours Ă©tĂ© soutenue. Mes parents ne m’ont rien cachĂ© sur mon adoption, ni sur les Ă©lĂ©ments de mon dossier, notamment le nom, prĂ©nom et âge de ma mère biologique. Jusqu’Ă un certain âge, ils ont gardĂ© prĂ©cieusement mon dossier avec bien Ă©videmment un accès Ă celui-ci quand je le souhaitais (je vivais toujours Ă la maison Ă l’Ă©poque). Ensuite, je leur ai demandĂ© de le rĂ©cupĂ©rer, et ils ont bien Ă©videmment acceptĂ©s ! A mes 21 ans (en 2014), j’ai pris la dĂ©cision d’entreprendre mes recherches. J’en ai parlĂ© Ă mes parents mais je leur ai dit que je souhaitais faire ces recherches de mon cĂ´tĂ©, toute seule, sans leur aide. Ils ont acceptĂ© et m’ont toujours soutenu « de loin » dans mes dĂ©marches, c’Ă©tait mon souhait.
Je suis allĂ©e sur les sites internet des tribunaux, des services sociaux de ma ville natale et de la ville de l’orphelinat oĂą j’ai grandi.
Je ne comprenais pas tout forcĂ©ment Ă cause de la langue mais j’ai rĂ©ussi Ă rĂ©cupĂ©rer les informations principales, notamment les adresses ainsi que le nom et statut professionnels des personnes Ă contacter (il ne faut pas contacter n’importe qui !).
Au dĂ©but de mes recherches en 2014, j’ai eu des rĂ©ponses nĂ©gatives. Deux ans après, j’ai reçu un e-mail m’indiquant que les services sociaux avaient retrouvĂ© ma mère biologique et avaient pu la contacter car elle avait laissĂ© deux numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone. J’ai Ă©galement appris l’existence d’un frère biologique qui a 7 ans de plus que moi, il sait Ă©galement que j’existe. Ayant des contacts sur place, notamment Andrei, une personne que je connais très bien depuis mon premier voyage en Roumanie en 2005, je lui ai envoyĂ© cet email. Nous avons beaucoup discutĂ© et c’est ainsi qu’il a contactĂ© ma mère. Durant une annĂ©e, Andrei me faisait part des Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques et des rencontres qu’il avait eu avec ma mère biologique. C’est en dĂ©cembre 2017 (j’avais 24 ans) que je suis partie retrouver ma famille biologique. Je suis restĂ©e 15 jours sur place. J’ai rencontrĂ© d’abord ma mère biologique. Nous avons passĂ© une demi-journĂ©e ensemble, en compagnie d’Andrei (notamment pour la traduction). La rencontre n’a pas Ă©tĂ© explosive des deux cĂ´tĂ©s et elle n’a pas souhaitĂ© me revoir lors de notre deuxième rencontre qui Ă©tait programmĂ©e quelques jours après. Cependant, elle m’a informĂ© de l’existence de ma grand-mère avec quelques indices sur son lieu d’habitation (sans certitudes et sans rĂ©elle vĂ©ritĂ©). Sur place j’Ă©tais accompagnĂ©e d’Andrei, et nous avons fait du porte Ă porte chez les voisins dans le secteur oĂą habitait ma grand-mère. Puis après plusieurs Ă©checs, nous sommes tombĂ©s sur une personne qui connaissait très bien ma grand-mère et elle nous a emmenĂ© jusqu’à chez elle ! J’ai pu faire sa connaissance!
Elle n’en croyait pas ses yeux 😊😊 moi non plus! Deux jours plus tard, j’ai rencontrĂ© mon frère biologique car Ă l’Ă©poque il habitait près de chez notre grand-mère.
C’est un vrai travail de fourmis et je ne pensais pas en arriver jusque lĂ .
Après mes retrouvailles, j’ai fait le choix de couper le lien avec ma mère et mon frère biologique pour raisons personnelles. Ma mère biologique a Ă©galement coupĂ© les liens avec toute sa famille depuis plusieurs annĂ©es.
NĂ©anmoins, j’ai dĂ©cidĂ© de rester en contact avec ma grand-mère biologique qui me semble stable, accueillante et qui m’accepte. D’ailleurs, c’est elle que je dois remercier en premier ! Car c’est elle qui a signĂ© l’acte d’abandon pour que je sois adoptable. Sinon je ne serai pas lĂ oĂą j’en suis en ce moment. Je l’ai vue en Janvier 2018 (pour la toute 1ère fois) et l’Ă©tĂ© dernier. Je souhaite la revoir une Ă deux fois par an. Car elle a certains Ă©lĂ©ments de rĂ©ponses sur mon histoire et l’histoire de la Roumanie Ă l’époque du rĂ©gime de dictature de Ceausescu. Il est important de remettre tout ça dans le contexte Ă©conomique et politique de l’Ă©poque. Ă€ l’heure actuelle, je ne regrette rien de toutes les dĂ©marches entreprises et de mes retrouvailles. Ce sont des choses très fortes et très personnelles. Chacun rĂ©agit diffĂ©remment. Je tiens Ă conseiller qu’il faut faire ces dĂ©marches si on en ressent vraiment le besoin et le faire Ă son rythme. De mon cĂ´tĂ©, j’avais 21 ans quand j’ai entamĂ© mes recherches et j’allais sur mes 25 ans lorsque j’ai rencontrĂ© ma famille biologique. Durant plusieurs annĂ©es, j’Ă©tais dans le dĂ©ni total. Et j’ai eu un dĂ©clic, pourquoi ? comment ? ça ne s’explique pas !
Mon souhait Ă©tait tout d’abord de mettre un visage, un comportement sur certains membres de ma famille (car je savais que ça allait ĂŞtre dur de retrouver toute ma famille biologique). Puis dans un second temps, que l’on puisse me raconter l’histoire du pays, mon histoire dans toute sa globalitĂ© tout simplement ! Bien Ă©videmment, comme on dit « la vie n’est pas un long fleuve tranquille », nous n’avons pas tout ce que l’on souhaite surtout dans ce genre de situation. Malheureusement, mon père biologique est dĂ©cĂ©dĂ©, j’aurai bien Ă©videmment voulu le connaĂ®tre, le rencontrer et discuter Ă©galement avec lui.
Je souhaite partager mon histoire, mon expérience aux personnes qui le souhaite. Je suis ouverte à tout échanges par e-mail dans un premier temps.
Je fais Ă©galement partie d’une association EFA (Enfance et Familles d’Adoption) qui me permet d’ĂŞtre en contacts avec des parents postulants Ă l’adoption et leur faire part de mon parcours. C’est toujours enrichissant, aussi bien pour eux que pour moi. Mais je souhaite Ă©galement rencontrer des personnes adoptĂ©es de Roumanie comme moi ou d’autres pays ! D’oĂą ma prise de contact avec l’AFOR.
L’équipe de l’AFOR