Lydia

FĂŞte des 555 ans de Bucarest, 2014.

 

Je m’appelle Lydia, je suis officiellement nĂ©e le 25 juillet 1984 Ă  Bucarest ; mais je ne saurai rĂ©ellement dire quand, ni oĂą, car, d’après ce que m’ont racontĂ© mes parents ainsi que ceux qui s’occupaient de moi Ă  l’époque, des gens m’ont trouvĂ©e le 04 aoĂ»t 1984 alors que je n’avais que quelques jours. Dans ce genre de situation, l’enfant Ă©tait apportĂ© Ă  la police qui le mettait dans une institution et c’est l’administration qui se chargeait de donner une identitĂ© civile Ă  l’enfant par la suite. J’ai donc passĂ© la première annĂ©e de mon existence dans l’orphelinat numĂ©ro 1 de Bucarest (« Sfanta Ecaterina ») oĂą je n’étais que l’ombre de moi-mĂŞme.

Heureusement, mes parents sont venus me chercher en novembre 1985 et c’est à partir de cet instant que la France est devenue mon nouveau pays. Par chance, j’ai gardé mon prénom roumain, et j’ai un petit frère adoptif (nous venons du même orphelinat) qui, contrairement à moi, ne s’intéresse pas du tout à ses origines.
Notre enfance s’est dĂ©roulĂ©e tranquillement, mĂŞme si les choses Ă©taient loin d’être faciles. J’avais Ă©normĂ©ment de retard psychomoteur par rapport aux autres, ce qui a plus fait rire mes petits camarades que moi, mais qu’importe. J’ai connu des hauts et des bas, surtout Ă  l’école, mais je me suis accrochĂ©e et cela m’a permis de faire des Ă©tudes. Je suis passionnĂ©e de musique et photographie depuis mon plus jeune âge et, au fil des annĂ©es j’ai appris Ă  adapter mes techniques d’apprentissages Ă  mes difficultĂ©s avec lesquelles je vis encore (il me faut travailler dix fois plus que les autres pour parvenir au mĂŞme rĂ©sultat) mais ce sont elles qui, depuis le plus jeune âge, m’ont donnĂ© le goĂ»t de l’effort et du travail bien accompli.
Aujourd’hui, je vis ma vie comme tout le monde et par bonheur, j’ai ma propre famille. Et bien que mon histoire fasse partie de la leur, je les prĂ©serve autant que possible de tout ça. Mes enfants connaissent l’essentiel de mon histoire et quand ils auront grandi, libre Ă  eux d’aller dĂ©couvrir le pays de naissance de leur mère si ils en ont envie.
Je ne recherche pas particulièrement ma famille biologique (je n’ai pas envie de me faire du mal pour rien), ma famille adoptive Ă©tant pour moi la vraie, celle du cĹ“ur, celle qui m’a permis de me forger ma propre identitĂ© au fil du temps. Et n’avoir jamais mis l’adoption au centre de mon existence m’a toujours permis de garder une certaine distance avec ce qui aurait pu en dĂ©truire plus d’un. Elle n’est pour moi qu’une Ă©tape qu’on ne pourrait rĂ©sumer Ă  toute la vie.

MalgrĂ© cela, je suis retournĂ©e plusieurs fois en Roumanie (en 2002, 2003, 2004, puis 2014). Comme je ne me pensais pas plus que cela Ă  mon histoire, je ne me suis pas prĂ©parĂ©e Ă  retourner dans mon passĂ© et c’est en toute logique qu’au dĂ©but, je n’ai pas vraiment aimĂ©. J’ai finalement donnĂ© une chance Ă  mon pays d’origine et je ne regrette pas car j’y ai aujourd’hui des amis proches et je m’y sens comme chez moi. Et comme j’aime beaucoup apprendre les langues, il m’a donc paru naturel de rĂ©apprendre le roumain pour me sentir plus proche du pays et de ses habitants.

 

Rencontre carpatique, un ours réclamant à manger, mais ne vous y trompez pas,
vous aurez rarement l’occasion d’en croiser un, 2004.

 

J’ai revu l’orphelinat ainsi que les personnes qui s’occupaient de moi à l’époque. Il y avait encore des enfants qui y vivaient lors de mes premiers voyages et j’ai pu passer du temps avec eux ainsi qu’avec le personnel qui s’en occupait comme ils se sont occupés de moi. Cela n’a pas été facile à vivre mais ces expériences m’ont permises de mettre des images et des mots sur ce que j’ai pu vivre et ressentir avant mon adoption : la peur, la solitude, le désespoir, tout cela compilé dans un grand vide sont le quotidien des orphelins. Voir ce que j’aurai pu être dans une autre vie m’a ouvert les yeux sur la chance que j’ai eue d’avoir été adoptée.

 

Maison pour enfants Sfanta Ecaterina qui n’accueille aujourd’hui plus d’enfants,
Bucarest, 2014.

 

Avec le temps, j’ai fini par comprendre que je ne connaĂ®trai probablement jamais mon histoire, ce qui m’a permis de faire le deuil de la quĂŞte des origines. Et pour en apprendre plus sur moi-mĂŞme (et parce que j’aime beaucoup les voyages) je m’instruis sur le pays qui m’a vu naĂ®tre, notamment en passant beaucoup de temps avec mes amis roumains et je m’intĂ©resse Ă©galement Ă  l’histoire et la culture de mes ancĂŞtres.

 

Carpates, 2014.


« Je trouve que la campagne roumaine est tellement belle et apaisante, c’est ça la vrai Roumanie. »

M’ouvrir à mes origines m’a petit à petit permis de m’ouvrir aux autres adoptés avec lesquels des liens se sont crées. Nous avons crée un groupe Facebook « Les enfants de Roumanie » en 2012. Nous avons organisé de belles retrouvailles l’année suivante et rencontrer (ou revoir après des années) celles et ceux avec qui on partage la même histoire est une expérience unique. Au fil des semaines, le groupe continué de grandir et, courant 2014, il a fini par fusionner avec la page « Les adoptés de Roumanie », ce qui a donné naissance au collectif « Les enfants adoptés de Roumanie ».

 

Lydia

 

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